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Un prince gâté par la Vie
François Ier est né chanceux. Le hasard des circonstances le fait devenir roi à tout juste vingt ans. Il est grand, robuste, bel homme. Son esprit vif lui donne de l’aisance et de l’éloquence. Sa mère Louise de Savoie a particulièrement veillé à son éducation de futur souverain. Il est cultivé, ouvert à l’international, parlant l’espagnol et l’italien.
Plus qu’un homme de cabinet, François est un homme d’action qui inscrit son leadership dans la tradition des conquêtes territoriales. Configuration géostratégique unique dans l’histoire européenne, trois souverains de stature politique équivalente se disputent le leadership du continent durant trois décennies : Louis VIII en Angleterre, Charles Quint, Empire Saint Germanique et François 1er.
François lance ses armées sur les routes d’Italie. La victoire de Marignan (1515) couronne son action et son aura est alors considérable.
En 1524, François Ier relance une nouvelle expédition en Italie, toujours désireux de briller et d’affirmer son leadership. Il écrit « Je crois que la dernière chose que nos dits ennemis feront sera de nous combattre, à dire la vérité, notre force est trop grande pour la leur. »
La défaite de Pavie en 1525 est terrible. En 45 minutes, il perd tout sauf son honneur. Charles Quint n’en revient pas de ce cadeau encombrant : François 1er est son prisonnier !
En prince de la Renaissance, il n’oublie pas les leçons d’Erasme : on ne nait pas Homme, on le devient !
Dans sa geôle, il prend le temps d’une introspection lucide
Qu’a-t-il donc refusé de voir qui l’a conduit à ce désastre militaire et personnel ?
Deux voies émergent :
- Il a ignoré les évolutions du monde et l’émergence de la Renaissance
- Il s’est focalisé sur l’art de diriger l’action et seulement l’action
La leçon 1 d’un François 1er confiné : Ouvrir son regard et ses pensées sur d’autres perspectives
Finalement, durant ce confinement, y-a-t-il des choses dans ma vie professionnelle et personnelle qui ne s’avèrent ni essentielles, ni indispensables ?
François Ier prisonnier, l’acceptation du réel
Le roi défait a finalement douze mois pour réfléchir, une éternité pour cette hyperactif, croqueur de la vie.
Paradoxalement, sans ce souverain « indispensable », le royaume de France continue de tourner. Il a alors à sa tête deux femmes cultivées, gestionnaires et fines politiques : la mère de François Ier Louise de Savoie et sa sœur Marguerite de Navarre. Les affaires sont administrées et elles maintiennent la cohésion du royaume. Des négociations sont lancées pour obtenir la libération mais la barre est trop haute.
François Ier le ressent en en est affecté. Lui, jadis le centre de toutes les attentions et le décideur de tout déprime. Il accepte difficilement cet état sans gloire et sa santé vacille. Affaibli et sans goût à vivre, François Ier est mourant en septembre 1525. Les médecins espagnols constatent une violente fièvre et leur impuissance. Son adversaire et geôlier, l’empereur Charles Quint se précipite à son chevet.
Contre toute attente, François Ier se rétablit. Sa mère lui envoie de longue lettre et le coache à distance. Le prisonnier accepte cette nouvelle réalité, développe son introspection et bascule. Il entend peser activement dans les négociations et se projette sur son nouveau leadership. Il désire passer du leadership par héritage au leadership incarné.
Conseil n°2 d’un François Ier acceptant la réalité de sa condition
Ecouter et s’écouter. Posez-vous cette question pour tirer le meilleur du pire :
- Quels sont les sujets sur lesquels vous pensez ne pas prendre suffisamment de temps pour "écouter" et qui sont pertinents ?
Marguerite de Navarre à son chevet. La renaissance émotionnelle.
François Ier a finalement accepté le réel. Comment et pourquoi ?
Ce basculement, il le doit tant aux lettres de sa mère qu’à la visite providentielle de sa sœur bien-aimée, Marguerite de Navarre.
Dépêchée en Espagne et représentante officielle du royaume de France, elle est investie de tous les pouvoirs pour négocier avec l’Empereur Charles Quint. Avertie que son frère est mourant, elle se précipite à son chevet et trouve les mots justes, alliance d’arguments et de sentiments.
Cette présence affectueuse revigore le captif. Sa sœur part ensuite négocié à Tolède. Elle est reçue poliment mais froidement. Aucune concession ne semble acceptable. Elle vient en avertir François Ier qui de nouveau est associé aux décisions et reprend la main en transférant officiellement tous ses pouvoirs à son fils et à sa mère.
Probablement bien conseillé par sa sœur, François Ier se dépossède de sa couronne pour devenir un otage sans valeur. Il positionne la valeur du royaume de France au-dessus de la sienne. Il gagne enfin du temps pour que ses « conseillères » françaises lancent une incroyable pression diplomatique notamment par une alliance novatrice avec l’ennemi de toujours, un non chrétien, l’empereur ottoman Soliman le Magnifique.
Conseil n°3 de François Ier acceptant la réalité de sa condition :
- Savoir faire vivre et accepter, en tant que dirigeant, sa double dimension rationnelle et sensible.
François Ier, renouveler sa vision du monde.
François Ier décide finalement de céder sur tout à conditions d’être délivré avant pour organiser les transferts de territoires. Libéré, tirant de son échec et de son introspection de nouveaux enseignements, le roi est de retour en France à la fin mars 1526 et organise sa renaissance.
Il réalise un audit de son royaume, prend connaissance des affaires et lance un grand cortège royal, se montrant dans toutes les grandes villes du sud-ouest et du centre de la France. Il restructure sa cour et son cabinet.
Surtout, François Ier gagne du temps sur le traité signé avec Charles Quint, désireux de renégocier sur des bases plus équitables. Officiellement, les clauses sont inapplicables. Le roi chevalier devient tacticien, cherchant le contournement avec de nouveaux alliés. Mis sous pression, Charles Quint cède. Le 3 août 1529, le traité de Cambrai, dite « paix des Dames » est ratifiée ; il est nettement plus favorable à la France.
François Ier ancre son leadership. Toutefois, il est conscient de ses erreurs et trouve de nouvelles voies, celles des réformes, du développement international, des lettres et des arts. Le souverain clarifie l’essentiel, renforce son pouvoir et constitue des équipes multiculturelles. Il désire matérialiser durablement son rebond, non par les armes mais les arts et la communication. Il encourage ainsi les hauts potentiels et crée des synergies entre talents notamment dans ses palais de Fontainebleau et de Chambord.
La Renaissance française est lancée par un souverain jadis trop gâté mais défait… finalement capable de renouveler sa vision du monde.
Conseil n°4 : Utiliser les 6 étapes du renouvellement
- Ecouter. S’écouter soi-même. Se confronter à sa situation, à ses valeurs, à ses croyances
- Renouveler sa vision du monde
- Décadrer. Changer son cadre de référence en comprenant les éléments et les différentes dimensions du changement
- Convaincre en communiquant sa vision partagée du futur.
- Faciliter les ressources du leader et de ses équipes en tirant profit des diversités de profils.
- Modéliser via l’intelligence collective
Sources et références :
- Robert J. Knecht, Un Prince de la Renaissance. François Ier et son royaume, Fayard, 1998.
- Jean Jacquart, François Ier, Fayard, 1994.