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Mohandas Karamchand Gandhi (1869- mort, assassiné en janvier 1948) est un leader politique, praticien de la résistance non-violence, le satyagraha (la Force de la Vérité ou désobéissance civile). Il mènera l’Inde vers l’indépendance.
Réfléchir sur ses échecs et changer de cap !
Novembre 1918, la première guerre mondiale s’achève. Gandhi fulmine et jette les journaux à terre.
« Quand je pense que j’ai milité pour que nous leur apportions notre soutien pendant la guerre, que j’ai convaincu les paysans du Kheda de s’enrôler dans l’armée britannique ! Dire que des milliers d’Indiens sont morts dans les tranchées et, au lieu de se montrer reconnaissants, au lieu de nous accorder l’autonomie, la Grande Bretagne proroge les lois scélérates de Rowlatt. On continue à limiter nos libertés individuelles, à arrêter n’importe qui sans jugement et à interdire toute publication ».
Mars 1919, Gandhi réunit un véritable conseil de guerre constitué de proches et de directeurs de journaux. Ils signent un engagement à s’opposer aux Lois de Rowlatt en appliquant le Satyagraha, c’est-à-dire la résistance non-violente. Ils appellent l’Inde à la grève générale, à la désobéissance civile et au boycott des produits étrangers.
Peu d’Indiens comprennent ce que recouvre le concept de Satyagraha et les échauffourées se multiplient, le mouvement dégénère et échappe à tout contrôle. Pour Gandhi, il s’agissait de se battre avec la force de son esprit mais il est obligé de suspendre le combat. Il se retire, la mort dans l’âme et reste chez lui, confiné.
Il écrit « J’ai commis une erreur d’appréciation aussi énorme que l’Himalaya en lançant le peuple vers la désobéissance civile sans qu’il maîtrise l’art du Satyagraha. »
Gandhi réfléchit longuement sur cet épisode. Désormais, il va s’imposer un temps de silence avant toute décision et se lancer dans une activité manuelle qui exige une discipline.
La leçon 1 d’un Gandhi humble
Faire silence et ritualiser une activité manuelle qui permette à votre cerveau de se déconnecter. Vous créez ainsi de l’espace pour votre intelligence adaptative.
Gandhi commence sa semaine par une journée de « silence » et se met quotidiennement à son rouet pour filer la laine.
En version 2020, le silence pourrait correspondre à une journée de déconnexion totale.
- Et vous, si vous sanctuarisiez dans votre agenda une bulle de silence complet, un bulle de « rien faire du tout », pas même aller marcher.
- Qu’est-ce que cela change ?
- Et si comme Gandhi, vous vous choisissiez une activité qui fait travailler vos mains et que vous pourriez réaliser tous les jours ?
- Vous avez une idée ?
- Laquelle ?
Clarifier son projet
Retrouvons Gandhi qui s’est imposé une journée de silence par semaine et s’installe quotidiennement pour filer la laine. Il a changé de look et adopté comme vêtement le dhoti, le pagne blanc qu’on lui connaît.
Arrêté et incarcéré après les émeutes en 1919, il met à profit ce temps d’emprisonnement pour clarifier ce qui a vraiment du sens pour lui.
Il définit sa mission de vie : mener l’Inde vers l’indépendance.
Il clarifie les étapes et veut d’abord agir sur le terrain symbolique pour réveiller l’identité indienne.
Gandhi programme d’effacer toute trace de l’assujettissement de l’Inde à l’Angleterre. Dès 1920, il lance donc un appel à la non-coopération :
« Vous êtes tous invités à boycotter le système anglais, en n’envoyant plus vos enfants dans les écoles britanniques, en refusant de devenir policier ou militaire au service des Anglais, en n’achetant plus aucun produit manufacturé d’origine anglaise ».
Partout en Inde s’élève la fumée de milliers de bûchers où brûlent livres, cravates et tissus anglais. Par ce geste, les Indiens réduisent en cendres leur dépendance économique et identitaire à la présence britannique.
La leçon 2 d’un Gandhi aux objectifs clairs
Profitez de ce moment pour sortir de la confusion en vous posant ces questions :
- Qu’est-ce qui est vraiment important pour moi, en ce moment particulier ?
- Au cours de cette période, qu’est-ce que je veux vraiment obtenir ? Listez tout ce qui vous vient en tête
- Au cours de cette période, qu’est-ce que je veux vraiment éviter ? Listez ce que vous voulez éviter
- Choisissez une priorité et une seule dans chacune de vos réponses aux questions 2 et 3.
- Que puis-je faire pour obtenir ce que je veux ?
Et après cet exercice, voyez-vous un mieux ?
Miser sur la créativité pour sortir d’une situation bloquée
Le confinement pour Gandhi passe de « subi » à « choisi ». Il le transforme en temps de réflexion. D’ailleurs, c’est au cours d’une « méditation » sur son rôle de leader qu’une fulgurance lui traverse l’esprit : « Nous allons marcher depuis l’Ashram jusqu’à la mer pour récolter nous-mêmes le sel . »
Avec cette idée incroyable de la Marche du Sel, Gandhi s’attaque au point névralgique de l’Empire, sa rentabilité économique. En effet, la taxe sur le sel représente 35% des recettes fiscales de l’administration britannique.
Gandhi veut traverser l’Inde du nord au sud pour convaincre tous les Indiens de cesser de payer cet impôt.
Ce projet, dingue en apparence, est la traduction concrète de sa réflexion profonde :
- Ne plus agir en chef unique. L'expérience sera collective. Par conséquent, s’il est arrêté, le mouvement sera en mesure de continuer sans lui.
- Responsabiliser les Indiens et remettre le libre-arbitre individuel au cœur du projet.
- Marcher, c’est se remettre debout physiquement pour se relever de l’humiliation morale et historique.
La leçon 3 d’un Gandhi créatif, adaptatif et opérationnel
Octroyez-vous des bulles de déconnexion, de silence. Laissez venir les idées, sans jugement et notez-les toutes car les pensées se perdent dans la charge mentale.
Pratiquez cet exercice tous les jours durant 21 jours, selon la recommandation du Mahatma Gandhi
Relisez vos notes ensuite et choisissez une idée qui a un potentiel d’innovation.
Que pourriez-vous mettre en œuvre pour réaliser cette idée à l’issue du confinement ? Quels moyens, quelles solutions, quel mode opératoire ?
Être juste plutôt qu’être conforme
Retrouvons Gandhi, triomphant après la marche du Sel.
Les résultats sont là. On assiste à des démissions en « série » de fonctionnaires indiens qui ne supportent plus de participer à un gouvernement anglais de plus en plus impopulaire. Les importations britanniques chutent du fait du boycott et de la crise de l’industrie textile. Gandhi négocie en direct avec le vice-roi et lance la campagne « Quiet India » qui marque le début des actions vers l’indépendance.
Nehru lui dira « Tu fis de la prison un quartier général, puis un temple. Tu signas avec le sel l’acte de liberté de tout un peuple, tu fis du jeune religieux un ultimatum politique ».
Les nombreux séjours en prison, son choix volontaire de silence et d’isolement lui auront permis d’:
- Inventer une pédagogie de l’action inédite, originale et déstabilisante avec notamment la grève générale, la communication de proximité et la campagne de coopération.
- De créer des actions d’envergure destinées à modifier durablement le rapport de forces avec la partie adverse (Marche du Sel)
- De clarifier son identité de leader
- « La vraie moralité ne consiste pas à suivre les chemins battus, mais à trouver la voie véritable pour nous-mêmes et à la suivre avec intrépidité » dira-t-il
La leçon 4 d’un Gandhi, chercheur de vérité
- Et vous ?
- Si quelles voies auriez-vous envie de suivre avec intrépidité et qui vous rend profondément heureux ?
Pour changer sa représentation mentale du stress généré par le COVID19, faites comme Gandhi :
- Faire silence et ritualiser une activité manuelle qui permette à votre cerveau de se déconnecter. Vous créez ainsi de l’espace pour votre intelligence adaptative
- Clarifier ce à quoi vous tenez vraiment, ce que vous voulez éviter et ce que vous pouvez mettre en œuvre pour atteindre votre objectif
- Miser sur la créativité pour sortir d’une situation bloquée.
- Prendre le temps pour trouver « sa voie véritable » et la suivre avec intrépidité.
Pour aller plus loin :
- « Influencer comme Gandhi » de Anne Vermès (éditions Eyrolles)
- « Autobiographie ou Mes expériences de vérité » Gandhi PUF 1950
- « Tous les Hommes sont frères. Vie et pensées du Mahatma Gandhi d’après ses œuvres ». Paris Gallimard 1993. »
- Gandhi de Richard Attenborough, film récompensé par 8 oscars, sorti en 1983.