Thématique
D’abord se relever du choc
Avant de devenir l’homme providentiel de juin 1940 que l’on connaît, le jeune capitaine Charles De Gaulle, engagé dans le conflit de 14-18, a vécu un choc douloureux sur lequel il est resté très secret.
Blessé et fait prisonnier par les Allemands, de mars 1916 à novembre 1918, il traverse les tourments de la captivité. Le traumatisme fut si douloureux qu’il n’en parlera que beaucoup plus tard, avec sa nièce Geneviève de Gaulle, quand elle-même reviendra du camp de concentration de Ravensbrück.
Cette période d’emprisonnement forge un De Gaulle rebelle qui refusera de baisser les bras et de cesser le combat. Elle oriente aussi la réflexion d’un De Gaulle penseur : « Pour savoir agir, il faut savoir penser et être capable de penser contre les autres »
Que s’est-il passé exactement ?
En 1914, De Gaulle a 24 ans. Il est issu d’un milieu conservateur, monarchiste et catholique. Il a fait ses armes sous l’autorité du colonel Pétain. Élevé dans le culte de la patrie, il pense comme tout le monde que la guerre sera de courte durée et que la victoire sera à la pointe des baïonnettes.
« C’est le courage qui fera la victoire » pense-t-il.
Mais la terre tremble en permanence sous un déluge de fer et de feu. « D’où vient cette grêle de balles qui s’abat sur nous ce 2 mars 1916 ? écrit-il dans ses Mémoires. Le jeune capitaine De Gaulle ordonne à ses hommes de reculer mais il est trop tard. La lame d’une baïonnette allemande lui transperce la cuisse. Il s’évanouit de douleur et se réveille dans l’infirmerie d’une prison allemande.
Une longue captivité commence, de mars 1916 à novembre 1918.
Prisonnier de l’ennemi, quelle honte, quel déshonneur ! « Je suis un enterré vivant. Travailler à quoi ? Travailler pour quoi ? »
Prisonnier des doutes : « Mais si je ne peux combattre à nouveau d’ici la fin de la guerre, resterai-je dans l’armée ? Et quel avenir médiocre m’y sera fait ? » « Au point de vue militaire, je ne me fais aucune illusion, je ne serai moi-même qu’un revenant ? »
La réalité brutale de sa condition de prisonnier le meurtrit. Il découvre que le courage ne fait pas la victoire car le courage ne peut rien face à la mitraille.
Comment se relever de l’épreuve ? Il s’autorise d’abord à accueillir l’ensemble de ses émotions : culpabilité, tristesse, anxiété.
La leçon 1 d’un De Gaulle sidéré : Oser la tristesse et le découragement comme première étape après un choc.
Selon la célèbre courbe du deuil de la psychiatre Elisabeth Kubler-Ross, après le choc d’un évènement traumatisant, deux phases existent : la colère et la tristesse.
De Gaulle traverse entièrement ces deux phases, sans chercher de raccourcis, et il se dit
« Oui je suis triste et en colère, mais je ne suis pas que cela. »
- Et pour vous ?
- Avez-vous ressenti ces deux phases ?
- Les accueillir vous a-t-il aidé ?
Se tester face à l’adversité
Retrouvons De Gaulle en prison, de mars 1916 à novembre 1918, une prison pour fortes têtes .
Passé le choc de sa capture, il se cherche un but. S’évader à tout prix.
Il retrouve énergie et créativité pour concrétiser son objectif. Il ne tentera pas moins de six évasions.
La première évasion donne un éclairage particulier sur le personnage.
Il avale de l’acide picrique destiné à soigner les engelures et on l’évacue d’urgence dans un hôpital gardé jour et nuit par des sentinelles. Là, il se trouve un complice inattendu. Son voisin de lit est comme lui, un faux malade qui cherche à s’évader.
Ils constatent que leurs gardiens « crèvent de faim » en raison du blocus. Ils parviennent sans trop de mal à les convaincre d’échanger du saucisson contre pantalons, bottes et blouses blanches. Les voici habillés comme des soignants. Ils sortent par la grande porte, le plus naturellement du monde.
Mais pour atteindre la frontière, il faut marcher 300 kms. Au bout de sept jours de cavale, ils font l’erreur de traverser un village. Sales et hirsutes, ils sont repérés par les villageois qui alertent les autorités. C’est la fin de leur évasion.
Ces tentatives, parfois rocambolesques et imaginatives seront en fait un terrain d’expérimentation qui permettront à DE GAULLE de tester sa résistance face à l’adversité. Il y développera des qualités déterminantes comme l’impétuosité, l’audace et la ténacité au mépris des règles.
La leçon 2 d’un De Gaulle activiste : Se trouver un but et imaginer plusieurs moyens, même créatifs et rocambolesques pour l’atteindre
Je ne vous invite pas à tester mille et une façons de vous évader du confinement !
Mais je vous pose plutôt cette question :
« Qu’est-ce qui, dans ce contexte de confinement, vous donnerait énergie, plaisir et persévérance même si ça ne se passe pas exactement comme vous le souhaitez ? »
Listez tout ce qui vous vient en tête
Classez par ordre de préférence
Choisissez une activité et réfléchissez à comment vous pouvez la réaliser dans le contexte contraint du confinement.
Trouver des antidotes dans le confinement toxique
Retrouvons le jeune capitaine De Gaulle, après sa première évasion.
Privé de tout engagement physique sur le terrain, il explore un autre champ de bataille, celui des idées.
En temps de paix, il aurait été absorbé par sa mission de chef de section et ses autres obligations militaires. Enfermé, impuissant, au fond de l’Allemagne, il n’a rien d’autre à faire qu’à concevoir ses projets d’évasion, lire, écrire et penser. La captivité contient en elle-même son antidote inattendu et précieux : le temps.
Il décide donc de se tenir tranquille pour espérer un transfert vers une prison d’où l’évasion pourrait être plus simple.
Première étape pour de Gaulle : varier ses sources d’informations en lien avec le contexte
Il n’hésite pas à se procurer des journaux en allemand et note ses impressions. Il questionne tous les nouveaux arrivants sur leur compréhension du contexte, les invite à partager toutes les informations qu’ils possèdent et note minutieusement ses ressentis, ses analyses, ses questions.
La Leçon 3 d’un De Gaulle sagement confiné : modifier les sources d’information et se mettre en mode Reporter.
Vous ne pouvez pas vous déplacer ? et bien, interrogez, partagez et prenez des notes.
Comme De Gaulle, variez les sources d’informations : changez de station de radio, de sites et de chaînes d’information, lisez un autre journal que votre quotidien ou votre hebdo habituel.
Prenez du temps pour interroger vos proches, vos collègues, vos amis sur leur analyse du contexte
Notez les idées que cela vous évoque, notez vos ressentis.
Tentez l’expérience sur plusieurs jours et relisez ce que vous avez écrit.
Comment vous sentez-vous ?
Développer son opinion et sa pensée personnelle
Retrouvons De Gaulle, inactif en apparence mais concepteur d’une philosophie de l’action.
Le jeune De Gaulle change de prison et arrive au château de Rosenberg en juillet 1917. Il prépare les tentatives d’évasion les plus insolites, recroquevillé dans un panier de linge sale, apprenti-grimpeur qui s’est fabriqué des cordes en draps, caché dans un pigeonnier. Malgré sa créativité, son énergie et sa persévérance, à chaque fois il est arrêté et finit systématiquement aux arrêts pour 60 jours.
Il utilise ce temps pour lire. Son éclectisme est fascinant, son intérêt pour les sujets historiques est infini. Il découvre des auteurs dont il ne partage pas les idées mais dont il savoure « l’élévation d’esprit et le sens politique ».
Il s’intéresse à des domaines complètement inconnus pour lui et lit par exemple une « étude sur Bouddha ». Il ne cesse de prendre des notes. Ce qui ressort de ses écrits est une pensée personnelle d’une grande maturité et d’une grande cohérence.
Sa philosophie de l’action se définit de plus en plus précisément : « La décision est la manière dont le chef compte agir sur le développement des évènements », « Il est essentiel que tous ceux qui commandent du haut en bas aient une personnalité marquée, de l’initiative, de l’audace et du caractère ».
Toutes ces lectures le conduisent à une introspection profonde. Il s’observe, nourrit sa volonté, son identité et se projette vers le futur.
La Leçon 4 d’un De Gaulle visionnaire : Prendre le temps d’approfondir ses sujets de prédilection et développer sa pensée et son opinion personnelles.
Et si vous utilisiez ce moment pour approfondir vos sujets de prédilection, votre expertise professionnelle, par des lectures, films, conférences, dialogue avec vos managers, collègues et collaborateurs.
Et si vous confrontiez vos pensées, vos opinions personnelles avec celles de vos collègues ?
Que se passe-t-il d’intéressant ? d’apprenant ?
Pour en savoir plus :
- Frédérique Neau-Dufour, La Première Guerre de Charles De Gaulle - 1914-1918, Tallandier, 2015.
- Jean-Luc Barré, Devenir de Gaulle, Perrin, 2009.